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fleurs d’hiver qu’on cultive dans les songes

11/12/2021 si près du seuil et si loin à la fois

Il est des paroles qui se dispersent aux vents
Des mots plus qu’il n’est possible d’en entendre
Des sons
qui paraissant essentiels dès l’instant où l’esprit les compose
sollicitent les oreilles
prenant la distance qu’il convient
et devant les portes qu’on ferme

apparaissent soudain obsolètes et vains

Il est des mots qui se dispersent
Retomberaient-ils sur nous
comme blancheur étincelante de flocons
leur chute sur nos pas
enfouissant aussitôt notre passage sur terre
toutes éphémères créatures
retrouvant ainsi l’insignifiance et le relatif

Aucune pelle si efficace soit-elle
n’en viendrait à bout
et des journées se suivraient
sous l’inexorable dépose silencieuse et délicate
épaules et vertèbres mises à mal

Je t’apercevrais alors
rade distincte et inévitable sur un bord disparu
balayant distraitement ton visage
de cette neige mêlée de sueur
le regard égaré dans l’impuissance
ni balise ni havre pour guide
îlot entouré d’océan
Tu sortirais le dérisoire drapeau d’une rémission sans appel
de ceux que le désespoir nourrit d’une vigueur oubliée
celui de la dernière chance
confondu et si peu visible


Je viendrais à toi
m’engonçant dans toute profondeur
lourd de ce pas
lorsque le corps ignore la teneur de l’appui
et se rassurant au solide
se soulève et se dépose à nouveau
avec précaution

Je viendrais à toi dans la neige née du sol
fleurs d’hiver qu’on cultive dans les songes
faire corps avec l’enfant reconquis
Nous entonnerions d’ancestraux chants de lutte
espagnols ou italiens qu’importe
donnant cœur à la trace
peignant de vif le pale étendard

Tu verrais
Ils allumeraient des balises de détresse
des briquets des bougies à trois sous
des feux follets des loupiotes de trois watts
les désespérés bienheureux
les faux pessimistes
les humanistes trahis
les virés du comptoir
les transfrontaliers invisibles parlant toutes les langues d’orient
et ils fouleraient l’infranchissable
les premiers
laissant leur place aux seconds
et ainsi une farandole de perpétuel désordre organisé
traçant dans l’épaisse couche
pour lire haut et puissant
à ceux qui font la sourde oreille
à ceux qui se couvrent à l’abri de la nuit
de multiples feuilles d’or
traçant pour lire haut et puissant
ce que raconte la multitude des flocons d’existence

et forcer le destin

11/12/2021 si près du seuil et si loin à la fois (2)

3 réflexions sur “fleurs d’hiver qu’on cultive dans les songes

  1. Je n’ai pas bien compris pourquoi ces lignes passent d’une forme impersonnelle à un « tu » difficilement identifiable. De plus, dans la dernière partie du poème, les vers mettent en jeu les différentes formes de la race humaine. Si je peux me permettre d’exprimer mon opinion, je pense que vous devriez diviser ces lignes en trois poèmes distincts. Chaque parti de ce poème, en effet, a une valeur poétique non indifférente.

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    • Bonjour Marcello
      Merci pour ce commentaire qui m’oblige à expliquer ce dernier texte. Exercice que l’on fait si peu souvent et qui parfois peut éclairer la lecture.
      Ce n’est pas la première fois que j’opère ce glissement non pas de l’impersonnel, mais de l’universel vers l’ individu (et vive versa). Je me place toujours sur ce fil entre les deux. Ici le glissement correspond au passage poétique d’un constat vers des paroles qu’on adresse pour faire bouger ce constat. Il ne me choque pas. Trop souvent nous nous rangeons derrière nos textes en tant que spectateurs et j’essaie d’engager une posture d’acteur. Enfin, ce texte est onirique et s’agissant d’un songe (précisé dans le titre), tout glissement est autorisé alors d’un monde vers un autre. La neige qui m’enfouit ici dans la montagne renforce la métaphore.
      En espérant avoir été éclaircissant.
      Belle journée

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      • Cher Jean-Marc,
        Quand j’ai lu le poème et écrit le commentaire, je n’ai pas relié la personne de Jen-Marc aux vers. Je suis désolé. Merci de ton explication. Cependant, je suis obligé te dire que l’universel ne donne jamais l’idée de l’impersonnel. Loin de là! Chaque lecteur se sent impliqué dans l’universel, en tant qu’il est universel. Et l’acteur doit jouer, avec le regard du spectateur, qui se sent impliqué dans la pièce, si la pièce parle une langage universel.
        Cependant, chacun choisit la formule qui lui semble la plus adaptée à sa façon de s’exprimer.
        Belle journée à toi.

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